Certaines nuits, les âmes défuntes se faisaient plus présentes dans l'esprit de Junyuri. Allongée dans sa couche, ses yeux restaient ouverts malgré l'heure tardive. Déjà plus de deux cent ans que la Deuxième Division avait connu son plus grand drame, théâtre dans lequel Junyuri avait eu un rôle sans être actrice principale.

La brise soufflait doucement au dehors, faisant danser les feuilles du jardin, faisant chanter les brins d'herbe se courbant à son passage.

Et au cœur de la chambre presque sacrée de Junyuri, les visions du passé lui revenaient. Oshimo Benehime, elle la revoyait. Assise devant ses paillasses, son regard concentré, ses lèvres serrées devant la possibilité d'une nouvelle découverte, devant l'infinité des possibilités qui s'offraient à elle. Proche de la femme de savoirs, Junyuri le savait cependant. Elle ne connaissait qu'une infirme partie des secrets de Benehime.

Un éclair zébra le ciel.

Devant ses yeux, la vice-capitaine revoyait le sang couler quand la lame avait fendu le corps de sa mentor. Devant les regard de tous, elle avait été punie pour ses idées de grandeur, pour ses concepts interdits mais qui intriguaient toujours Junyuri.

Elle ne possédait qu'une partie de la vérité mais désirait toujours la connaître entière.

Un soupir s'échappa d'entre les lèvres de la jeune femme qui finit par se redresser, prenant appui sur ses mains. Assise dans sa couche, son regard se tourna légèrement vers ce jardin qu'elle aimait tant, qu'elle chérissait tous les jours. Au lever du soleil, une nouvelle journée commencerait, l'éloignant des mirages passés. Honoka viendrait certainement lui rendre visite pour obtenir quelques pâtisseries et ensuite elle devrait se rendre au centre d'entraînement pour forcer les nouvelles recrues de la Deuxième Division.

Peut-être certains d'entre eux seraient capables de réparer un vase qu'elle aurait brisé devant leurs yeux.
Pour ensuite réparer les corps.

Un art qu'elle avait appris auprès de Benehime.

Le sang coulait à flot et pour la première fois, on put admirer une réelle détresse dans le regard de Junyuri qui restait pourtant silencieuse, tout comme le cri qui refusa de se déployer.  

Peu de temps après l'exécution publique, Junyuri s'était rendue dans le laboratoire de Benehime, déjà fouillé. Ce qu'elle put en retirer, elle le brûla comme les documents que lui avait confiés sa mentor. Les mots interdits étaient devenus fumées et cendres, restant lisibles uniquement dans l'esprit de la belle aux glaces.

Lentement, les draps furent écartés et la vice-capitaine se leva, approchant de l'encadrement de la porte qui donnait sur son jardin. Demain serait un autre jour, mais en cette nuit, le sommeil refusait de rejoindre l'esprit de Junyuri.

L'épaule contre un des pilier du bois du porche, Junyuri regardait les gouttes de pluie tomber, en noyant dans l'herbe verdoyante mais pâle sous les rayons lunaires de la nuit.

Découvrait-elle un jour le terrible secret de sa mentor ? Peut-être. Soit par le témoignage d'un tierce dont elle n'avait pas encore connaissance si seulement il existait, soit par ses propres moyens. Curieuse, la vice-capitaine restait cependant fidèle aux préceptes enseignés, et si jamais elle devait subir le même sort que son aînée, qui resterait pour transmettre leurs savoirs aux nouvelles générations de shinigamis ?

▬ Dame Uesugi ?

Junyuri resta de longues secondes immobiles, ce qui ne manqua pas de faire craindre le pire à la fidèle servante qui déglutit légèrement.

▬ Da...
▬ Retourne te reposer, Kana, le soleil dort toujours.

Bien qu'inquiète, la vieille femme se pencha légèrement en avant avant de disparaître dans les couloirs du domaine... Laissant la rêveuse Junyuri seule.
Demain serait une nouvelle journée. Certainement n'aurait-elle aucune réponse de plus mais elle poursuivrait son oeuvre, celle de la Deuxième Division.

Mais pour l'heure, seules les gouttes de pluie savaient l’apaiser.