La démarche alambiquée, notre maudit errait sans but dans ce déluge sablonneux. Aucune âme en vue, sa lame exsangue réclamait son dû. Le grelot trônant sur le manche du cimeterre résonnait au gré de ses pas. Une véritable symphonie qui berçait les strates supérieures comme inférieures de cet Entre-Monde.

Étrangement...

Un calme plat régnait sur les dunes nacrées. Comme si les ergs contenaient en leurs seins leurs progénitures - de peur qu'elles ne tombent sous sa colère.

Encore et toujours.

La carcasse nécessitait encore des myriades et des myriades de proies. Réclamer le potentat de cette dimension... Non de l'Univers entier. Telle était sa destinée.

Toutefois, d'étranges visions s'imprégnaient de ses songes éveillés. Une vie qui ne lui appartenait pas défilée devant lui - lors de rare moment d'évasion.

Des mots qui ne lui appartenaient pas. Des actes ne lui seyant pas. Une douleur, vive, s'en prenait à son cœur. Cet organe délaissé.

Confus.

Impossible pour le fou de comprendre l'étendue de ses visions. Ses réminiscences du passé ne signifiaient rien pour lui. Une seule voix restait graver, de force, au sein de sa psyché. Indéchiffrable, comme le reste. L'Univers entier ne voulait pas que le mort marchand ne se rappelle. La succube avait damné sa raison.

L'ombre d'un héros. L'ombre d'un père. L'ombre de lui-même... [/i]Une larme, indésirée, perla.[/i]

Tokugawa Eien disparu à jamais dans le néant insondable de l'Histoire. Bon gré mal gré, le super-prédateur dissipa les dernières pensées le liant à son ancienne vie. Désormais, même ses données étaient perdues à jamais.

Un nouvel être pour une nouvelle vie. Quel triste sort pour un vertueux émissaire que de connaître l'opprobre.

À l'instar de l'Ancien Monde, le désert blanc, sans fin, était un véritable xénodoque pour toutes âmes viciées. L'atrium d'un buffet garni où seuls les super-prédateurs possédaient le droit de se repaître.

Du moins, tel était la vie ici, jadis. Rythmé par l'arrivée impromptue de l'Hégémonie Hollow, le Hueco Mundo n'était plus que l'ombre de lui-même. Là où la sélection naturelle et la barbarie rythmaient le mode de vie de tout Hollow ne se trouvait qu'un terrain de chasse vidé de sa substance première.

Les bains de sang ne s'étalaient plus à perte de vue. Les cadavres de monstruosités n'imprégnaient plus ce sol calcaire. Une bien triste fin pour une peuplade crainte par l'Univers en personne.

Libéré de ses visions apocryphes, le grelot continuait son apostolat ; attirer des proies à l'aide du son.

Les "Infeliz" affamés ne pourraient y résister. Tokugawa ne pourra résister à leur arracher la vie, non plus. Sa puissance, bien que grandissante, se voulait trop faible pour concurrencer de plus gros poissons.

Les papillons aux tuniques noirâtres, les moines aux vestons blanchâtres et enfin le bétail humain. Parmi ces trois races animales, se terraient des êtres bien plus puissants que sa simple singularité. Il n'en avait jamais croisé, mais son instinct le pousser intrinsèquement à se méfier.

Et bien que la hardiesse était un point mémorable de son caractère outrancier, il avait toujours pris le grand soin de ne pas se jeter dans la gueule du loup.

Tout arrive à qui sait attendre. Une bien belle maxime que voilà. Elle prendra tout son sens d'ici peu... Lorsque les dimensions brûleront à feu et à sang.

La meilleure méthode pour y parvenir restait le refuge de capons. Sans prêter serment auprès de la Déité Hollow, la carcasse vivante devait se ressourcer dans les berges du Styx. Aux côtés de créatures pouvant prétendre au Trône.

Corazon, le cœur battant de l'Entre-Monde et de l'Hégémonie. Tout Hollow connaissait son existence. Étrangement, Tokugawa y semblait attirer. Comme si quelqu'un ou quelque chose le forcer à la rejoindre.

La marionnette devait rejoindre son pantin ; la Reine des Âmes. Celle qui avait damné sa misérable vie.